4 - Dépassement des pièges sémantiques

Sandrine Lambert |

Pourquoi alors parle-t-on de révolution de la fabrication numérique ? Il y a plusieurs raisons :

  • • Cela peut se référer aux possibilités qu’implique le registre de la fabrication personnelle. En effet, avec quelques machines, il devient imaginable de maîtriser toute la chaîne de conception, de production et de vente de produits, donc de créer une mini entreprise chez soi (après le livre de poche, l’usine de poche ?).
  • • Pour n’importe quel créateur, artiste, artisan, la fabrication numérique représente un nouvel élément dans la boîte à outils permettant de changer le regard sur sa production, d’explorer davantage ses idées, d’essayer de nouvelles choses. La fabrication numérique permet de repousser les limites de la création. Malgré cela, comme pour tout nouvel outil, il est nécessaire passer du temps pour l’apprivoiser. Dans ce domaine il n’est pas rare de pouvoir compter sur tout un réseau de personnes volontaires pour appuyer le développement des compétences.
  • • Cela peut être un concept marketing pour produire un nouveau besoin de technologie chez les consommateurs. Morozov, dans cet article « Making It. Pick up a spot welder and join the revolution. » The New Yorker (January 13, 2014) modérait à juste titre les ardeurs des promoteurs de la fabrication numérique en rappelant que « The lure of the technological sublime has ruined more than one social movement » !

Globalement c’est un abus sémantique de parler de révolution. Néanmoins, en produisant de nouveaux discours et imaginaires autour des technologies, la fabrication numérique justifie d’analyser plus amplement ses potentialités sociopolitiques. Elle peut contribuer à ouvrir les boîtes noires à la fois au sens premier du terme puisqu’on peut démonter un ordinateur pour apprendre à le réparer et produire des pièces qui manquent, mais aussi de débloquer le carcan dans lequel notre cerveau s’enferme quand il s’agit de technologies numériques, entre aveuglement volontaire et impuissance avérée. Des brèches se creusent notamment dans les chantiers de la souveraineté technologique pour réinventer notre rapport aux technologies numériques, pour se reconnecter aux besoins et réalités sociales et politiques de notre territoire. C’est ainsi que les possibilités multiples de la fabrication numérique permettent de désarmer autant le fatalisme technophobique que le romantisme technophile.


À propos des Laboratoires

Depuis 2014, le collectif s’intéresse aux nouvelles méthodes de production et de recherche pour les artistes. C’est dans ce contexte que Les Laboratoires ont permis à LA CHAMBRE BLANCHE de concevoir l’espace virtuel et l’espace réel comme voies d’exploration incontournables. Ce projet s’insère dans une perspective de réappropriation des moyens de production par les artistes et les intervenants du milieu, actualisant ainsi la notion de DIY en collaborant à un mouvement citoyen propre à l’autogestion. C’est dans cette perspective que nous avons demandé à Sandrine Lambert d’écrire un texte mettant ces problématiques en contexte.


À propos de Sandrine Lambert

Sandrine Lambert est doctorante en anthropologie à l’Université Laval à Québec et membre de LA CHAMBRE BLANCHE. Dans sa ville d'adoption, elle a développé une expérience professionnelle en tant que responsable de communications dans différents organismes culturels. Sa recherche doctorale porte sur les enjeux de la participation citoyenne au sein des lieux dédiés à la fabrication numérique. Passionnée par les relations entre démocratie et technologie, elle réalise actuellement un travail de terrain à Barcelone, en Catalogne. 






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